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glou glou

Les voyages électroniques
22/09/2000

A la fenêtre, un arbre effeuillé, enchaîné au même bitume que le réverbère en face. A longer le tronc du regard, toujours le même résultat. En haut, l'impasse des bouts de branches, coupées par le froid. En bas, mon imagination soulève les lourdes grilles : pas de racines, pas de terre, pas de sable, pas de plage. Encore du bitume. Je tente le réverbère. Le métal froid laisse peu d'espoir. Au pied, un unique câble électrique fait office de racine. Je le suis. Il longe le trottoir à quelques centimètres de profondeur jusqu'à un autre réverbère, identique. De lampadaire en lampadaire, j'arrive bientôt à un enchevêtrement de câbles de différentes couleurs, enfermé dans un cocon rectangulaire et grisâtre. Je choisis un fil bleu, et le suis pendant plusieurs centaines de mètres. Il me mène à un autre terminal, où des milliers de câbles se rejoignent. Je débouche dans une pièce trop éclairée où un homme vêtu d'un bleu de travail fixe un écran d'ordinateur. Des tas de petites lampes clignotent. J'en prends une au hasard, et suis le fil sur lequel elle est branchée. Très vite, il fait de nouveau froid. Puis, le fil remonte dans une gaine enserrée dans le béton. Je suis maintenant dans ce qui ressemble à un compteur électrique. Celui-ci est enfermé dans une petite armoire sombre. Le fil que je suis, parcourt un béton plus chaud. Moins froid. Il aboutit à un domino, puis à une lampe, éclairant une petite pièce. J'ai juste le temps de voir la silhouette d'un homme, et sa main sur l'interrupteur. La pièce est maintenant dans la pénombre. Le filament rougi, perd rapidement son incandescence. Je rebrousse chemin et me retrouve très vite au bord d'une prise, fichée à quelques centimètres du sol. Un petit transformateur y est branché. Le fil qui y mène tremble légèrement. En le remontant, j'arrive à un petit boîtier rectangulaire que tient l'homme dans la main. C'est un téléphone portable en charge. Il est connecté au wap. Je me maile @rio.com.br.

J'ai quitté Paris. Je suis dans un PC, posé sur une table dans une chambre claire et chaude. Par la fenêtre j'aperçois le Corcovado, le Christ rédempteur, le visage éclairé par un soleil insolent. Une ombre passe devant moi, et puis le ronronnement du ventilateur du Pentium cesse. Il fait sombre. L'unité centrale semble familière, identique en tous points à celle que j'ai laissée chez moi. Autour, des fils, des puces, des broches, des cavaliers, craquent légèrement en se refroidissant. Je suis bloqué. Il y fait froid. Comme à Paris. Comme à Seattle. A Taiwan ou à Tahiti.

Tarday M. Itapoa
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