Objectif ?
07/05/2001

La polysémie du terme nous ferait croire à l'objectivité du regard. A la fois focale, centre d'intérêt de l'œil et tendance positiviste à décrire une "vérité", l'objectif nous trompe.
Le premier, celui que l'on visse sur l'appareil-photo, est depuis déjà longtemps multiforme. Grand-angle, standard, téléobjectif et même zoom, la famille comprend tous les avatars. Si l'on vend au quidam l'objectif multi-usages lui permettant de rater tout aussi bien ses portraits que ses paysages ; le zoom 24-80 ; l'amateur averti se contentera souvent d'un 50 mm, ou, mieux mais rare, d'un 43 mm, décalque exact de l'œil. L'objectif le plus simple est le plus efficace. Les grands bonshommes l'ont toujours privilégié, en y ajoutant parfois un 35 ou un petit télé, un 85 par exemple. Bien sûr, Jean-Loup Sieff utilisait un 21 mm pour faire du nu. Tordant ainsi aussi bien les courbes du modèle que les courbes des chaises, il ajoutait une dimension onirique à des femmes depuis longtemps vieillies. Comment lui en vouloir ?
Le deuxième objectif - est-ce le "cadre" ? - est loin des objectifs des managers. Il s'agit de représenter sa réalité, celle qui passe trop vite, celle-là même dont on ne peut parler qu'au passé tant le temps passe. "Quel est votre objectif dans la vie ?" demandent aux futurs salariés les déjà salariés recruteurs. On pourrait répondre alors le "portrait", le "paysage", la "guerre", la "rue", le "nu". On pourrait dire aussi le 50 mm à 1.8. Mais n'en faites rien. Il faut manger.
Être "objectif". En photo, cela ne veut sans doute rien dire. Par un ami ayant passé du temps dans une école de photo, j'appris un jour qu'il existait une tendance de photographie "non intentionnelle". Baladez-vous avec un appareil, un retardateur, et laissez-le déclencher au hasard. Voilà la forme que prendrait l'objectivité. Sans intérêt aucun, on oubliera cette histoire-là.

Emane
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